Se confiner – un verbe du plus-que-présent

Au lancement de ce blog, j’écrivais que « le temps est venu semble-t-il pour les hommes de vivre l’expérience du plus-que-présent : une conscience nouvelle de soi et des hommes. » Il est probable que le confinement généralisé lié au Coronavirus soit un nouveau marqueur de ce temps venu.

Au plus-que-présent, confiner est un verbe plus que jamais pronominal : c’est un verbe d’action. Je ne suis pas confiné > je me confine. 

Suivant le niveau de conscience que l’on a du plus-que-présent, se confiner se réalise différemment > ici 3 progressions pédagogiques.

Niveau 1 : dans la conception classique du temps et de l’espace. « Le temps s’écoule et l’espace s’emplit. »

  • Conservation : Chez soi. Les meubles, les murs, le plancher, l’eau, l’électricité, la nourriture. Délimiter son territoire fermement. Territoire d’espace et de temps.
  • Anticipation : Être chez soi. Appréhender les limites horizontales et verticales de l’espace. Observer les changements  temporels : le matin, l’après-midi, le soir.
  • Engagement : Être soi. Agir dans le temps et dans l’espace. Regarder des films, Lire, Faire Rien, Dormir, Manger, Se lancer dans les séries, Terminer ce qui n’est pas terminé.
  • Lâche-Prise : Être. Faire l’expérience de la proximité à distance en étant confiné avec les autres par What’s App, Facetime,Teams et les autres réseaux sociaux.

Au plus-que-présent, chaque moment est intense ; se confiner c’est alors se regarder vivre. Les verbes d’état passent à l’action et les verbes d’action se passifient (sont mis à la forme passive). On ne dira plus « je lis un livre » mais « un livre est lu par moi ». Les objets sont animés et le confinement devient l’espace introspectif émerveillé puissant dont chacun est le sujet.

Exemples d’activités particulièrement puissantes : des films d’émotion, des appels réguliers à ces proches, jouer en famille, faire la sieste, des histoires d’amour, des exercices de rapidité.

A ce niveau, se confiner, c’est faire l’expérience émerveillée d’être sujet.

Niveau 2 : dans la conception duale du temps et de l’espace. « l’espace et le temps se construisent et se vivent »

Dans cette conception, (cf Construire du temps), se confiner c’est créer des expériences : toute activité en suggère 10 000. Dans cette conception, se confiner c’est pouvoir voyager à des vitesses infinies.

  • Conservation : Rassembler les éléments, créer la zone de confinement. Des photos, des musiques, des lettres, des livres lus, de vieux papiers. Les traces du passé délimitent la zone de confinement.
  • Anticipation : Détourer les expériences, écrire les histoires de confinement. D’un élément conservé, retracer la situation au plus-que-parfait (oui, c’est le temps grammatical pour cela), la projeter dans tous les sensations (le goût puis l’odorat sont les plus puissants des sens). Reconstruire les instants passés : des espaces complets. [L’instant est une fulgurance du présent. Il y en a quelques uns par jour, il faut les saisir (les capter par une photo par exemple), pour pouvoir s’en émerveiller durablement.]
  • Engagement : Se lancer, jouer les histoires de confinement. Construire des moments présents à partir de ces instants passés, les assembler dans une expérience mémorable. [Le moment est une expérience mémorable. On y trouve des sensations et des émotions, des activités auxquelles participer et des images et représentations à se fabriquer]
  • Lâche-Prise : Vivre. Etre dans l’histoire de confinement. De ces moments, bien installés, l’ivresse peut survenir. [Les ivresses nécessitent l’engagement et l’émerveillement simultané. Le plus-que-présent y est ainsi construit – lâcher prise et pro-activité nécessaire.]

Exemples de zones de confinements particulièrement puissantes : des photos de soit petit, un vieux relevé de banque, un carnet oublié, une bouteille de vin poussiéreuse, un disque, un article sur internet de sa ville. Des éléments de suggestion.

A ce niveau, se confiner, c’est faire l’expérience émerveillée et incandescente du présent.

Niveau 3 : dans la conception unifiée du temps et de l’espace. « l’espace et le temps sont conjugués »

Dans cette conception, la plus avancée du plus-que-présent, le temps et l’espace ne font qu’un – c’est le rêve toltèque, le nirvana. Les verbes d’état du plus-que-présent qui peuvent s’exercer à l’intérieur sont mis à contribution : ImproviserSe coucher, manger , marcher  , regarder des films, mais aussi – se laver, s’habiller, s’endormir, se réveiller, se lever, s’asseoir. Se confiner, c’est vivre un rêve les yeux ouverts, c’est se regarder se regarder vivre ; les verbes se conceptualisent ; la réalité devient confuse, le virtuel est le réel. C’est la quête d’ivresse permanente durant le confinement.

  • Conservation : Choisir des verbes d’état du plus-que-présent. Se laver, manger, marcher, regarder des films, se coucher, se réveiller.
  • Anticipation : Pour chaque verbe, décomposer avec gourmandise le mouvement. Inventorier chaque geste, chaque souffle, chaque vibration et les intégrer dans le temps.
  • Engagement : Reproduire sans cesse ce mouvement. Jusqu’à ce que la séquence devienne un état : le rituel unique sans espace et sans temps.
  • Lâche-Prise : Tomber d’ivresse de ce rituel.

Exemples de verbes de confinements particulièrement puissants : Se réveiller et Se coucher plusieurs fois par nuit pour distordre le temps. Boire un verre d’eau en pleine conscience. Regarder intensément quelqu’un. Se forcer à rire.

A ce niveau, se confiner, c’est faire l’expérience émerveillée et incandescente du plus-que-présent.

Se confiner peut se conjuguer et se parler à tous les temps et à toutes les formes ; c’est une force des verbes du plus-que-présent. « je confine, je me confine, il est confinement bien ».

 

Confinez-bien !

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